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Forteresse

21 septembre 2015

ou Naufrage dans le Pacifique
(Incluant La fille d’Instagram et Blackout à Ahuntsic)

Forteresse

Lorsque j’ai atteint la moitié de l’année de mes 36 ans, en avril dernier, je songeais à écrire un texte intitulé Forteresse, qui se serait terminé sur la journée où j’avais hâte de revenir chez moi pour m’installer à la table de cuisine et finir la lecture de A Short History of Progress, un livre qui n’avait aucun rapport avec le problème de l’amour.

Pour moi c’était un signe. Le retour de ma curiosité. Le retour du désir de lire. La preuve que j’avais enfin la capacité d’être bien, seul.

Forteresse aurait commencé en octobre 2014 au comptoir de Baptiste sur Masson, quand j’ai rejoint un ami pour discuter de La traversée de l’Antarctique, le texte où je racontais mon année précédente. Plusieurs l’ont aimé, on m’a dit que c’était beau, on m’a écrit qu’il kickait des culs, on l’a interprété comme la sortie d’une longue impasse, mais pas cet ami-là. Pour lui j’étais encore en détresse et il voulait m’aider. Il avait un peu raison. Je suis allé le voir.

« Les dernières années, as-tu passé six mois sans avoir une fille en tête? » m’a-t-il demandé.

Depuis l’ouverture de cette période de ma vie il y a presque 4 ans – cette période que j’appelle The Lost Levels parce que c’est le même jeu, avec les mêmes décors, la même musique, mais des niveaux d’une difficulté presque impossible – depuis que je suis redevenu célibataire à 33 ans donc, j’ai consacré la majorité de mes ressources mentales à penser à des filles inaccessibles, les unes après les autres, laissant peu de place pour autre chose. Le travail, les amis, les séries télé, cela occupe du temps mais pas mes insomnies. Tout ce que j’ai écrit ne parlait que de cela.

Au retour dans le taxi, je me suis donné comme programme d’atteindre ce fameux 6 mois sans fille en tête. Je n’y suis pas arrivé tout de suite, mais au début avril 2015, après plusieurs soirées à jouer à Super Metroid en oubliant de me verser du whisky, après avoir achevé The Wire – qui me lançait dans des réflexions sur la société, les institutions, l’Amérique – et surtout après ce moment à marcher sur St-Denis durant une journée lumineuse d’hiver, sans musique dans mon iPod, une journée où je me sentais d’une extrême bonne humeur sans raison identifiable, comme cela ne m’était pas arrivé depuis longtemps, j’ai compris que ça y était.

J’arrivais à dormir la nuit, à préparer de nouveaux cours, à lire des livres d’histoire, quand j’allais jouer à Risk avec mes collègues je restais concentré toute la soirée sur la partie, bref, j’allais enfin bien.

J’étais encore seul mais j’avais atteint le rivage du continent Antarctique, je me sentais prêt à monter à bord d’un navire et à me lancer dans l’exploration de l’océan.

Je me sentais enfin libre.

Puis, en avril, j’ai rencontré la fille de Tinder.

Je jette l’ancre, explore l’île, remonte à bord, une tempête me repousse, naufrage, je  suffoque, je surnage, je suis jeté à nouveau sur l’île, je poursuis l’exploration, découvre des merveilles, retrouve le navire, puis nouvelle tempête, naufrage encore, noyade, noirceur.

Retour aux fonds océaniques.

Un ami poète me disait « ça te fera du matériel pour écrire », mais je suis fatigué, je l’ai déjà écrite, cette histoire. Et toi, tu la connais déjà.

The Lost Levels, Monde C.

Mais d’abord, il y aura une section où notre personnage se transforme comme s’il avait appris quelque chose.

Interlude 1 : La fille d’Instagram

En Antarctique durant l’année précédente j’étais accompagné en permanence par le paradoxe gnomique « t’es beau mais t’es pas viril », le sentiment de ne plus être attirant, ne l’avoir jamais été, le seul flirt de l’année 2014 avec une fille qui clairement me lançait des signes mais qui reculait à chaque fois que je m’approchais, comme si l’embrasser était un paradoxe de Zénon, je suis la flèche, elle est la cible et aucun mouvement jamais n’est possible, et tout le reste de l’année au pôle sud à penser à une fille que je n’ai jamais touchée (sauf ses mains sur mes épaules, mes joues contre les siennes ou sa manière de me squeezer un bicep de temps en temps), tout le reste de l’année à se geler la bite dans les montagnes hallucinées de l’Antarctique, jusqu’à ce qu’elle casse et tombe, jusqu’à ne plus être un homme, ne l’avoir jamais été, ne plus savoir ce que c’est, chercher la réponse sur google.

Ce problème réglé facilement en deux temps, d’abord la fille de Tinder me prend la main, « on va chez toi, fais-moi un old fashioned », le lendemain mes draps tachés de sang et porter fièrement comme des blessures de guerre durant un mois de longues cicatrices sur mes flancs où ses ongles ont déchiré ma peau, mais la solution c’est surtout la fille d’Instagram, dans la cour arrière au party de fin de session avec mes collègues, durant les blancs dans la conversation je pitonne sur mon cell, je like sa photo de lumière dorée sur les édifices de briques, j’instagram le coucher de soleil derrière l’arbre dans la cour, elle me like et m’ajoute sur facebook, je discute avec elle, photo de mon verre de vin, photo de son verre de vin, mon party finit tôt, je marche seul sur le boulevard Rosemont, « as-tu quelque chose à ajouter avant que ma batterie de cell meure? », « ça te dit un dernier verre? » « vite donne-moi une adresse » et courir jusqu’au dépanneur le plus proche emprunter un stylo pour écrire les chiffres de justesse sur ma main au moment de la mort de mon cell, débarquer chez elle, on s’installe sur le divan, elle m’offre une bière, je commente sa bibliothèque, L’Hiver de Force, cool, mon roman préféré, et à peu près une heure plus tard c’est le fameux awkward pause, le moment où le geek gêné en profite d’habitude pour tout gâcher en se tirant une balle dans le pied du genre « que penses-tu de moi », mais pas cette fois-ci, cette fois je n’ai même pas eu à retenir ces phrases, cette fois la terreur du rejet ne m’a pas même effleuré l’esprit, cette fois je me suis juste penché pour l’embrasser parce que j’en avais envie et elle aussi, je l’ai tirée sur moi, je l’ai soulevée dans les airs (imagine comment elle devait être légère), je l’ai portée dans mes bras jusqu’à sa chambre, je l’ai lancée sur le lit, on a tous les deux enlevé nos lunettes, on les as déposées doucement sur la table de chevet, puis je l’ai déshabillée (american apparel) et retournée d’un bord et de l’autre tant que je voulais, puis je l’ai baisée une deuxième fois, elle me laissait tout faire, elle me donnait vraiment l’impression que c’est moi qui dirigeais, contrairement aux autres filles souvent plus fortes que moi avec qui j’ai au contraire l’impression de lutter, et après elle me demande de lui lire un de mes textes sur mon cellulaire, Ainsi parlait Kama Sutra, bien sûr chère, ça me fait plaisir. Et après le déjeuner avec elle, repartir en bus et réaliser que sur son facebook chacun de ses selfies récolte une centaine de likes, autour d’elle grouille une horde d’admirateurs, c’est clair qu’ils/elles veulent tous coucher avec elle, mais moi, je l’ai fait. Une heure après l’avoir rencontrée. À ce moment précis, je me suis senti viril en crisse et le problème était réglé, fin.

Une seule histoire comme celle-là est suffisante, toutes les vantardises de douchebags sur le sexe m’apparaissent comme des signes d’insécurité, comme cet interlude l’est aussi bien sûr mais ce sera le dernier, je disais d’ailleurs à la fille d’Instagram le lendemain matin au déjeuner, je n’ai pas envie d’écrire des scènes de cul, c’est disgracieux ces gars qui écrivent comme s’ils se regardaient dans le miroir en train de baiser comme Carcetti dans The Wire. Mais pour moi qui avais l’impression de ne plus avoir de corps depuis deux ans, de ne plus être un homme, qui pensait avoir perdu son pénis quelque part dans une crevasse de l’Antarctique, moi qui l’an dernier étais terrifié d’être coincé dans un dry spell éternel, pendant que celle que je voulais m’avait repoussé pour un temps (tempête sur le Pacifique), c’était un événement important, surtout que pour la première fois de ma vie, je n’ai pas attendu qu’elle me saute dessus, c’est enfin moi qui a fais le move, et le move m’a conduit à sa chambre, pas de flèche de Zénon cette fois, et depuis je ne songe plus à ce problème, même si celle-là ne veut pas me revoir parce que je lui ai envoyé un poème trop emo ensuite – j’essayais juste d’être trash mais j’ai oublié le mot fourrer, oops – ce n’est pas grave, je la remercie, ça m’a redonné confiance en mes moyens, fin.

* * *

Donc le sexe n’est plus la flèche de Zénon.

Mais à 36 ans l’amour reste la tortue de Zénon.

« Tu n’es pas un gars de Tinder », la fille de Tinder me disait et je disais: « je ne veux pas écrire La Fille de Tinder. »

Je ne veux pas écrire que j’ai dormi tout le long du voyage en train vers New York parce qu’on avait fait l’amour toute la nuit la veille, je ne veux pas écrire que j’ai passé le voyage entier la tête remplie de sensations et d’images de son corps, de sa voix rauque et ses paroles, je garderai cela pour des poèmes que je n’écrirai pas non plus, dans lesquels les rues de Manhattan se mélangeront à l’odeur de ses cheveux, où je passerai du vertige au One World Trade Center à la violence du désir que je ressentais en agrippant ses fesses – les plus belles que je n’ai jamais vues -, Central Park enroulé autour de ses petits seins pendant qu’on baisait debout devant mon bureau, les taches de mascara sur mon oreiller dans le métro, rien de tout cela, de toute manière je hais les poèmes d’allégorie de cul.

Je pourrais bien écrire par contre que 5 jours après qu’elle te rejette ce serait le moment idéal pour aller faire la fête au soleil à Cuba avec douze amis et une caisse de rhum, mais ce n’est pas tout à fait le moment idéal pour aller rôder seul à Dublin où tout est en briques glauques, où il fait froid, où il pleut sans cesse, où tous les musées ferment à 17 heures, où il ne reste plus qu’à aller goûter les whiskeys irlandais les uns après les autres dans les pubs.

Les montagnes ne fonctionnaient pas.

Le ciel et les falaises ne fonctionnaient pas.

La musique tombait en panne.

À 36 ans mon corps est allé en Irlande pendant que mon cœur coulait en flamme au milieu d’une référence littéraire.

* * *

Il y a deux manières d’avoir une fille en tête : la phase apocalyptique et la phase post-apocalyptique.

Quand tu la rencontres et tu la veux davantage qu’elle ne te veut, c’est la fin du monde.

Quand elle ne veut plus te voir, c’est après la fin du monde.

Avoir l’impression qu’il y aurait un monde que s’il était partagé, c’est les Lost Levels.

Je voulais écrire Forteresse parce qu’à ma table de cuisine, à lire un livre sur le progrès et l’effondrement des civilisations, j’avais l’impression de retrouver le monde.

Comme j’y étais arrivé en Écosse en 2014, quand j’avais songé dans le parc sous les falaises du château d’Édimbourg : j’ai deux semaines devant moi, qu’est-ce que j’ai envie de faire? Que puis-je faire pour me faire du bien, sans avoir à plaire à qui que ce soit? Qu’est-ce qui m’intéresse?

L’histoire, la psychologie, l’astronomie, la philosophie, le cinéma, la littérature, l’art, la peinture, la musique, le whisky, les bandes-dessinées, les jeux vidéo, la nature, un monde se déployait hors de moi et c’était le mien.

Pour l’imiter je me suis acheté des souliers de jogging, j’ai commencé à aller chez la psy, j’ai acheté des livres de poésie, j’ai downloadé des films de Bergman.

Ça se nomme le mythe de l’identification. Le désir de fusion.

Tu ne fais que révéler que tu es en train de perdre ton monde.

Je voulais qu’on regarde Star Wars ensemble.

Ses derniers mots en personne comme par écrit étaient « Prends soin de toi. »

Sûrement parce qu’elle sentait que je ne le faisais pas.

Interlude 2 : Blackout à Ahuntsic ou Vouloir finir sa période Bukowski

L’année a commencé avec le pire blackout de ma vie avant celui de Ahunstic, durant mon party de fête de 36 ans j’ai complètement perdu la carte, le lendemain je reçois une vidéo, on me voit assis sur le plancher du salon, collé sur l’amie qui m’a apporté un cône de plastique orange en cadeau (« son nom c’est Giovani Giorgio, mais tu peux l’appeler Giorgio »), dans la vidéo on dirait que je voulais la frencher, mais je n’ai aucune espèce de souvenir de cela, et je demande à mon amie Régis : « Est-ce qu’on est descendu dans la cour? » parce que j’ai une vague image de la ruelle à l’esprit mais je ne sais pas si j’ai rêvé, et elle me dit : « On a rencontré tes voisins, oui », je ne m’en souviens pas, et le lendemain un sac de plastique sur mon balcon avec un mot en colère, « ramassez vos déchets! », et savoir que la date d’un de mes collègue, cette grande fille brune baveuse, m’a fait subir une sorte d’interrogatoire mais je ne me rappelle d’aucune réplique, et je sais qu’à la fin dans ma chambre je criais par la tête de deux autres amis, mais je ne me souviens pas quoi,

le démon de la perversité aux commandes,

mais ce n’est rien en comparaison au blackout catastrophique à Ahunstic l’été dernier, d’abord un party de pendaison de crémaillère à Parc Ex, puis on finit la soirée au Miss Villeray, à la fermeture à trois heures sur mon cell il y a sur instagram une image de mon ami l’écrivain culte avec deux jolies filles, je le texte et il me dit, « viens et apporte ta booze », je fais un crochet par mon appart, dans un sac de plastique je glisse quatre bouteilles, du rhum cheap, le fond du Cutty Sark Prohibition Edition, un fond de McClelland et une moitié de Lagavulin 16 ans (118,75$ à la SAQ), les bouteilles s’entrechoquent violemment dans le sac qui oscille accroché au guidon du Bixi pendant que je descends St-Denis dans le trafic nocturne, d’ailleurs la bouteille de rhum se dévisse et se renverse, je grimpe dans l’appartement, ils sont autour d’une grande table couverte de bouteilles, la lumière est allumée et fait mal aux yeux, ça se fait des tracks de coke, il y a deux jeunes et belles poètes que je ne connais pas, l’une qui accepte mon invitation facebook et l’autre qui refuse, les deux publieront des poèmes trash bientôt d’après ce que je vois sur twitter, puis il y a coupure au montage et je suis en train de marcher sur St-Denis trempé par la pluie alors que le ciel vire au bleu foncé, je texte mon ami et collègue en voyage de noce sur la mer Baltique et il me fait « xx » à la fin et je trouve ça étrangement émouvant comme à son mariage quand je lui avait raconté une belle soirée avec la fille de Tinder et il m’avait dit : « Je suis content pour toi, tu le mérites, après tant de souffrances », et crisse j’avais eu envie de brailler quand il m’avait dit ça, mon autre collègue qui disait ce soir-là « Regardez Morin, il est heureux », puis autre coupure et il fait clair, et je ne sais plus où je suis, je marche dans une rue qui ressemble à la banlieue, je prends mon cell et la batterie est presque vide, ma vision se trouble, c’est le jour à présent, un jour gris et humide, je m’engage dans le stationnement de ce qui ressemble à une école, je marche jusqu’au fond de la cour mais il y a une clôture de métal, je dois rebrousser chemin, je ne sais pas dans quelle direction est le nord, je ne comprends plus rien, je suis épuisé, j’ai mal aux pieds, je constate que je suis sur mon cell en pleine conversation avec une fille avec qui j’avais déjà eu une date, mais que je n’ai jamais revue après, pourquoi je lui parle encore celle-là, elle s’en fiche c’est clair, elle ne répond presque jamais à mes messages, elle est à l’aéroport, je vois que je l’ai invitée à venir marcher avec moi, « la fille que je fréquente ne le saura pas », what the fuck, qui a écrit ça, je ne m’en souviens pas, j’arrive près d’un parc, je vois le métropolitain très loin au sud, je comprends que je suis à Ahunstic, je marche encore longtemps avant de trouver une station-service, je demande à ce qu’on m’appelle un taxi, celui-ci mets beaucoup de temps avant de revenir à Villeray, c’est le dimanche matin, je m’effondre dans mon lit et au réveil dans l’atroce lendemain de veille, je vois sur mon iPad qu’elle m’a écrit « Hein??? », j’ai envoyé à la fille de Tinder sans que je n’aie le moindre souvenir, une photo d’une des deux poètes de la soirée, je ne sais même pas où je l’ai prise, cette photo, comment j’ai fait pour l’envoyer, et c’est suivi du message « Je suis un prof de philo mais je suis straight », j’ai envoyé ce message à la mauvaise fille, celle qui me donne du fil à retordre depuis des mois, celle avec qui c’est si fragile, celle que je veux, je suis totalement catastrophé, je suis étranglé de honte, je la bombarde de textos où je me confonds en excuses,

le démon de la perversité c’est « faire ce qu’il ne faut surtout pas faire »,

au-delà du blackout il y a une machine automatique qui prendra possession de ta conscience et qui te fera marcher loin vers le nord, au-delà du métropolitain, elle détruira la relation que tu tentes de peine et de misère de laisser croître depuis des mois,

un démon pour achever la fin du monde qui dure depuis trop longtemps, que ça se termine, qu’on en finisse,

destruction,

nettoyage,

reset,

et elle ne l’avouera pas mais c’est sûrement cette goutte qui a fait déborder le vase, trois jours après elle me dira qu’elle ne veut plus me voir,

ça se termine avec

« prends soin de toi ».

Et je sais que c’est cette partie de l’histoire qui t’accroche le plus, comme mes étudiants tu aimes les histoires d’alcool et de cul, de drogue et de débauche, la déchéance, la décadence, comme l’autre blackout en février où je constate le lendemain que mon bain est couvert de vomi séché et je ne me souviens pas d’avoir vomi, et paniqué je vais sur facebook effacer à toute vitesse les photos de la rue St-Denis dans la neige et les commentaires « criss esti fuck vos gueules je gèle là »,

Mathieu Arsenault m’a dit après ma dernière lecture publique en 2013, l’une des seules que j’ai faite avant de me parachuter en exil en Antarctique et m’évacuer de ma gang de littéraire : t’es le seul à créer ce genre de personnage complexe, ce geek emo trash, c’est le contraste entre le petit gars maigre avec des lunettes de nerd qui parle encore de jeux vidéo, mais qui capote avec ses obsessions romantiques et ses blackouts au whisky, c’est drôle, c’est bon, mais je suis fatigué de montrer mes galons d’alcoolique, fatigué de cette réputation de geek alors que j’abandonne tous les jeux que je commence (Windwaker, Bravely Default), fatigué de boire pour oublier des filles, fatigué de récits de filles durant les brosses, fatigué des récits de brosses avec des filles, fatigué d’être saoul chaque fois que je baise, fatigué des lendemains de veille, fatigué de la fatigue de l’amour, du sexe et de l’alcool,

et durant ma date avec la grande fille aux cheveux rouges je l’ai dégoûtée avec mes histoires de vieil alcoolo pervers, elle est partie de bonne heure et je suis rentré seul,

je veux finir ma période Bukowski,

je veux lire les livres dans mes bibliothèques,

« À ton âge j’étais rendu plus loin que ça », la vérité cruelle sort de la bouche des parents.

Qu’est-ce qui m’intéresse?

37 matchs sur Tinder pendant que les glaces fondent aux pôles et que l’équateur surchauffe.

À présent, j’ai envie de prendre soin de moi. J’aurai 37 ans. Je m’ennuie de mon esprit. Je m’ennuie de mon monde. De la forteresse où j’arrive à lire des livres sans me réveiller à quatre heures du matin en espérant encore qu’elle me texte « j’ai envie de toi », « je pense à toi », « merci pour la belle soirée », « j’ai hâte de te revoir », ces quatre cavaliers de la fin du monde.

Je suis fatigué de l’apocalypse. Je suis fatigué des Lost Levels. Je suis fatigué de Zénon.

« As-tu passé six mois sans avoir une fille en tête? »

Ça se termine avec

« prends soin de toi ».

Qu’est-ce qui m’intéresse?

J’écoute souvent mes disques de Glenn Gould qui joue du Bach.

Sur mon frigo il y a Captain Phasma et je me suis acheté le X-Wing noir de Poe Dameron en Lego.