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Le darque knight au mont des épreuves

11 octobre 2012

Part from your past! Conquer your Darkness within! If you can’t overcome your past self, the sacred power of Light will not accept you!
– Final Fantasy IV

Sophy, à ma fête, m’a donné la plus belle carte que j’ai jamais reçue. À l’intérieur, entre autre, elle raconte qu’elle a compris ce qui est en train de m’arriver, depuis l’an passé : je suis en train de me transformer en querisse de Paladin. C’est une référence à notre jeu fétiche, Final Fantasy IV au Super Nintendo. Vous verrez que les jeux vidéos sont capables de profondeur. Les jeux vidéos peuvent offrir des leçons de vie. Des révélations spirituelles. Satori au Manoir Deluxe.

Le personnage principal de Final Fantasy IV est Cecil, un darque knight au service de l’empire de Baron. Il a un crime sur la conscience : au début du jeu, le roi l’envoie à la tête d’un groupe de soldat massacrer des magiciens et dérober un cristal magique. Cecil obéit aux ordres, mais ses actions passées le tourmentent. Pour se racheter de son lourd passé, le darque knight doit faire l’ascension de Mount Ordeals, le mont des épreuves, et s’affronter lui-même en combat singulier pour surmonter son passé, se purifier du mal et devenir le Paladin, guerrier de la lumière au service du Bien. Le Paladin et ses compagnons sauveront le monde.

« Tu vis des épreuves qui te transformeront. Tu te déchargeras de tes ténèbres, toi qui est si darque. Ne perds pas espoir, toi qui a vécu une année si sombre. Tu n’es pas seul, tu as des super joueurs dans ton équipe, et si quelqu’un veut t’empêcher d’atteindre le but de ta noble quête, je vais m’y opposer.» Rydia est avec moi. Voilà ce que j’ai compris en lisant sa carte.

L’autre soir au Manoir Deluxe, Sophy et moi on parlait de liberté, de déterminisme, de la notion d’effort, de responsabilité. Sommes-nous responsables de nos actions, surtout de nos actions mauvaises et blessantes pour les autres, ou de nos efforts pour se sortir de notre mal-être? Est-ce qu’on peut changer? Est-ce qu’il faut faire des efforts pour se transformer, pour s’améliorer, est-ce qu’il faut lutter contre ses démons intérieurs, est-ce qu’il faut se battre contre soi-même? Comme je ne cessais de la faire tout au long d’août et septembre dans ma tête dans les rues de Villeray? Je tenais ce soir-là mon discours déterministe, tout est inéluctable, nous n’avons aucune maîtrise sur nous-même, l’idée d’effort est absurde, lutter contre ses désirs est voué à l’échec, nous sommes les jouets de nos pulsion et de bien d’autres influences inconnues et obscures, nous ne contrôlons rien, nous dérivons dans le monde, aveugles et perdus et nous nous éteindrons sans rien comprendre. Un discours triste, darque, effrayant – je voyais que je lui faisait peur. D’une voix désespérée elle me dit : « Mais qu’est-ce qu’on fait, alors? » Qu’est-ce qu’on fait, chacun lancés dans une guerre à finir avec nos bêtes noires intérieures, celles qui nous rongent et trop souvent nous empêchent de vivre?

Je raconte le peu que je sais, le peu que j’ai tiré de ma religion abandonnée, moi qui s’est égaré très loin de la voie du Bouddha. Je dis qu’il faut seulement lâcher prise. Ne pas s’agripper aux idées sombres. Les laisser dériver. Ne pas se laisser happer. Cesser de lutter. Ouvrir les yeux, ramener son attention sur le présent, voir ce qui se passe autour de soi. Être là. Ici et maintenant, présent. Cesser de se battre.

Et Sophy a dit : « C’est comme dans Final Fantasy IV! Quand le darque knight s’affronte lui-même! Tu te souviens comment il faut se vaincre? Il faut cesser de se battre! »

Je l’avais oublié, ça m’est revenu d’un coup. Au début du combat, comme en face de n’importe quel ennemi, on frappe et tant qu’on frappe, l’ego noir réplique, nous attaque lui-aussi. Le combat est sans fin. On ne peut jamais se tuer – et on finira par mourir si on s’acharne, les points de vie de l’ego sont infinis parce que l’ego n’existe pas, mais ça ne l’empêche pas d’avoir un pouvoir effroyable. Il peut nous réduire en charpie. Mais comment faire pour le vaincre? Il faut observer ce qui se passe. Il faut se réveiller. Il faut comprendre l’essentiel. Il faut voir que frapper équivaut à se blesser soi-même. Il faut seulement cesser de se battre. Il faut cesser d’appuyer sur Fight. Attendre, regarder la noirceur en face. Attendre qu’elle s’estompe d’elle-même.

Voilà la leçon du mont des épreuves.

Comment cesser de souffrir? Comment vaincre ses démons intérieurs? Il faut faire comme dans Final Fantasy IV et cesser d’appuyer sur Fight.

La révélation était tellement intense que les yeux me sont sortis de la tête comme Schwarzenegger qui dégringole la montagne sur Mars à la fin de Total Recall et je me suis mis à crier des « OUI!! C’EST ÇA!! C’EST MALADE!! » orgasmiques qui résonnaient dans toutes les pièces du Manoir Deluxe jusqu’à éradiquer l’infestation de pyrales. Gros frissons qui me parcourent l’échine, un poids de mille tonne me tombe des épaules, ma tête de trop coupée sur le champ s’envole. En blague je me suis jeté à genoux devant la grande peinture de Jésus qui s’est pissé dessur dans le salon en pleurant « ALLELUIA! JÉSUS! BOUDDHA! » Kenshô grâce à Final Fantasy IV.

Seul un jeu vidéo pourrait permettre une telle révélation, pas un film, ni un livre, ni rien d’autre. Le joueur doit comprendre par lui-même, rien dans le jeu ne lui dira quoi faire explicitement. Si tu ne le fais pas, tu restes bloqué là. Le jeu vidéo est là pour t’aider. Il ouvre la voie. Il te ramène sur le chemin. Dans la vie, quand tu es bloqué – et je suis bloqué au même niveau depuis si longtemps – ce ne sera pas aussi explicite. Pourtant la même leçon s’applique.

Tu ne fais que te faire du mal.
Cesse d’appuyer sur Fight.
Armes-toi plutôt de patience.
Regarde autour de toi, ouvre les yeux.
Laisse faire.
Laisse tomber.
Laisse dériver toute cette noirceur en toi.
Le vent emportera les nuages noirs.

Final Fantasy IV
te l’enseignait
déjà.

Pour devenir le Paladin tu n’as
rien d’autre à faire
qu’être toi-même
et être là.